>Le ketchup aux fruits de grand-maman Tremblay, Bouchard, Gagnon, Gauthier, et de mademoiselle Debellesfeuilles

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Bien en fait, c'est des indices pour élaborer votre propre recette de ketchup aux fruits du Québec. Oui, oui, votre recette bien à vous.

Le meilleur ketchup aux fruits que vous aurez goûté, sera, bien entendu, le vôtre. Avec l'ancienne formule de nos grands-mamans, il est très facile d'élaborer sa propre recette de ketchup aux fruits. Toutes nos grands-mamans le faisaient secrètement.

En public, elles faisaient toutes la même recette. En voici d'ailleurs la preuve.


Mais en privé, c'était autre chose !

Chaque ménagère avait sa propre recette de ketchup aux fruits. Et vous ?

Grand-maman Tremblay
faisait son ketchup aux fruits comme la majorité des ménagères, à l'époque. Elle utilisait des tomates, des pommes, des poires, des pêches, de l'oignon, du céleri, du vinaigre, du sucre et des épices. Bien sur, elle avait ce petit quelque chose de différent qui le rendait unique. Sa touche personnelle, à elle, c'était les tomates vertes, et les grains de moutarde jaune ajoutés librement au ketchup, hors du nouet d'épices. J'imagine qu'elle les voyait comme des petits soleils, dans ses petits pots. Le ketchup aux fruits de grand-maman Tremblay, c'est mon préféré.

Mémé Bouchard plaçait sa moutarde dans le nouet, comme tout le monde. Elle avait 3 beaux pruniers pas loin, alors elle remplaçait les pêches et les poires par des prunes. Il n'y avait comme fruits que des pommes et des prunes, et son ketchup était délicieux. Elle en faisait beaucoup des conserves de prunes mémé Bouchard ! Je crois qu'elle avait plus de 10 recettes différentes avec des prunes qu'elle faisait à chaque année.

Grand-mère Gagnon plaçait aussi sa moutarde dans le nouet, mais elle n'y mettait jamais de clou de girofle, car ça rendait son mari complètement marteau. Puis les pêches étaient trop chères, elle en mettais seulement 4 et ajoutais 4 pommes. Son ketchup était très bon, contrairement à son mari, qui lui, ne valait pas un clou.

Môman-Gauthier adorait les pêches, alors pour elle, au diable la dépense ! 20 pêches, 2 pommes, et 2 poires ! Puis, elle ne voulait pas masquer la saveur des pêches, alors elle mettait deux fois moins d'épices que les autres.

Mademoiselle Debellesfeuilles, elle, n'aime pas le céleri, trop vulgaire, alors elle y met du fenouil. Quelle idée rafraîchissante ! Personnellement, je la trouve snob Mademoiselle Debellesfeuilles, mais ça n'enlève rien à son ketchup. Puis c'est pas sa faute si elle a grandie à Outremont, alors, soyons indulgents SVP. (mais c'est vrai qu'elle est chiante, enfin!)

Toutes ces grands-mamans faisait ou font encore de l'excellent ketchup aux fruits, ils étaient délicieux et tous sécuritaires, et ce, grâce à l'ancienne formule...

  • 24 tomates
  • 24 fruits (sauf la banane)
  • 12 légumes (céleri, oignon)
  • 3 sucre (ou plus)
  • 3 vinaigre (ou plus)
  • épices au goût
Facile non ? Tant que vous garderez ces proportions, à vous d'improviser ! Une seule exception connue, la banane. Elle n'est pas assez acide, pour un fruit. Il y en a peut être d'autres comme ça, je ne le sais pas, et vous ?

Les familles étaient nombreuses à l'époque. Cette recette vous fera donc environ 14 pots de 500 ml. Elle se divise bien pour l'essayer.

Je vous invite à la diviser en deux, même en quatre, pour essayer autant de variantes le même jour, question de découvrir la bonne grand-maman en vous. Vous avez bien un fruit préféré, ou une épice fétiche, non ?

Saviez vous que les mangues (oui, oui, c'est un indice) mures font entre pH 3.40 et 4.80 et que les tomates font entre pH 4.30 et 4.90 ? Croyez-vous que Mademoiselle Debellesfeuilles sait que le céleri fait entre pH 5.70 et 6.00, et que le fenouil fait entre pH 5.48 et 5.88 ? Nos grands-mamans ne le savaient pas, mais elles connaissaient toutes la bonne formule.


Voici la recette de ketchup aux fruits de grand-maman Tremblay, en attendant la vôtre.

Le ketchup aux fruits de grand-maman Tremblay

Ingrédients :
  • 18 tomates rouges moyennes (ou le volume équivalent en tomates italiennes)
  • 6 tomates vertes moyennes (ou remplacer par des rouges)
  • 8 pêches moyennes
  • 8 poires moyennes
  • 8 pommes moyennes bien fermes
  • 8 grosses branches de céleri (pas vraiment plus)
  • 4 oignons moyens (pas vraiment plus)
  • 4 tasses de sucre (3 suffirait)
  • 3 tasses de vinaigre blanc, de vin, de cidre, ou de pistils d'edelweiss, si vous voulez, tant qu'il fait 5% d'acide acétique
  • 2 c. à s. de grains de moutarde jaunes (qui seraient normalement dans le nouet d'épices)
  • 1 c. à s. de sel à marinades
Dans un nouet de double étamine (au goût, tout ça)
  • 1/4 de bâton de cannelle concassé
  • 1 feuille de laurier
  • 8 grains de poivre noir concassés
  • 4 clous de girofle
  • 3 piments de la Jamaïque concassés
  • 1 c. à thé de piment chili séché et broyé
  • 1/2 c. à thé de grains d'aneth
  • 1/2 c. à thé de grains de coriandre
  • deux morceaux de muscade gros comme un pois, puis concassés
Procédure :

Grand-maman Tremblay commençait toujours par l'inventaire. Elle s'assurait toujours d'avoir tout ce qu'il faut sous la main pour faire une recette, avant de mettre le feu dans le poêle. Elle vérifiait tout, du nombre de pots vides, au moindre grain d'épice. La pâte pour le pain était déjà levée, elle en ferait pour trois jours en même temps vu qu'il faisait encore chaud.

Ensuite, elle allumait le feu, pompait de l'eau dans son précieux chaudron émaillé, puis elle en essuyait systématiquement le fond avant de le déposer directement au dessus de la "boite à feu". Elle ajustait les trois prises d'air, glissait la tirette, puis ajoutais une bûche assez grosse pour en avoir pour plus d'une heure. Pendant que ça chauffait, elle plaçait sa planche à découper sur la table, avec son petit couteau et son grand couteau. Elle plaçait aussi trois grands bols à coté de l'évier.

Elle lavait les fruits et les légumes dans l'évier et en retirais les queues et les parties endommagées. Elle avait amplement le temps, avant que l'eau bouille enfin. Elle blanchissait les tomates vertes, pour 3 ou 4 minutes, puis les tomates rouges, pour une minute, puis finalement, les pêches pour une minute aussi. Elle plongeait les fruits dans l'eau froide dès que c'était fini.

Dès qu'elle n'avait plus besoin de cette eau bouillante, elle la versait sur les pots dans la bassine. La bassine était faite en tôle galvanisée. On s'en servait pour la lessive, les conserves et aussi pour prendre ses bains. Elle plaçait la bassine à l'autre bout du poêle puis la couvrait. Elle pouvait mettre 24 pots d'une pinte dans cette grande bassine, elle se comptait chanceuse de pouvoir même y laver les deux plus jeunes enfants en même temps.

Enfin, elle pelait les tomates vertes, puis les tomates rouges en premier. Elle retirait le gros des pépins en pressant. Elle les gardait pour deux de ses pains, plus tard.

Elle coupait les tomates en gros dés réguliers. Elle rinçait, aiguisait, lavais puis essuyait son couteau. Grand-maman Tremblay vivait au début du dernier siècle. À l'époque, l'acier inoxydable, on ne connaissait pas. Son couteau était en acier. Il fallait le rincer, l'essuyer et l'aiguiser souvent. La pierre n'était jamais loin, et toutes les ménagères savaient aiguiser un couteau, jadis. Chaque coup de couteau, et chaque geste, demandait plus d'effort.

Ensuite elle coupait les pêches en deux en suivant la dépression du fruit, elle retirait délicatement les noyaux et les pelait. Elle les coupait une à une en dés plus petits que les tomates. Elle les immergeait au fur et à mesure dans les tomates pour limiter la décoloration.

Elle pelait les poires, les coupait en quatre, retirait les coeurs et les coupait en dés encore plus petits que les pêches. Elle les immergeait aussi dans les tomates au fur et à mesure qu'elle en coupait une.

Elle taillait ensuite les pommes de la même façon que les poires.

Quand tous les fruits étaient coupés, elle plaçait son grand chaudron au beau milieu du poêle, puis coupait les légumes et préparait son nouet d'épices. Elle gardait ses grains de moutarde de coté dans une tasse.

Elle plaçait le nouet d'épices dans le mélange, remuait un coup, puis allait rincer, aiguiser, laver, puis essuyer une fois de plus ses couteaux.

Elle remuait le ketchup pour répartir la chaleur et éviter que ça colle au fond. Son chaudron était mince. Elle refermait encore les évents pour baisser le feu.

Enfin, elle pouvait pétrir sa pâte pour le pain, la placer dans ses six moules graissés, la recouvrir d'un linge, et la laisser gonfler doucement sur la tablette à droite du poêle. Dans deux des pains, elle avait ajouté les pépins de tomate, et un peu de sucre et de cannelle, pour faire changement.

Tout ça en remuant le ketchup de temps à autres.

Quand le ketchup bouillait enfin, elle déplaçait la bassine au centre et bougeait son chaudron vers la droite, où il allait mijoter pour environ 1h 30 en remuant de temps à autre.

Au bout d'une heure, elle ajoutait une autre bûchette dans la boîte à feu, puis enfournait ses deux derniers pains. Elle déplaçait la grande bassine à gauche où c'était plus chaud. C'était le moment d'ajouter les grains de moutarde au ketchup. Il ne faut pas les mettre au début, sinon ils deviennent trop mous et se décomposent. On ne les verrait plus, ces petits grains de soleil.

Quand son ketchup avait la consistance voulue, elle retirait son chaudron du feu et le déposait sur la table.

Sa bassine était équipée d'un panier exprès pour les bocaux. Tout le monde avait ça. À l'époque, faire ses conserves était une question de survie. Elle retirait le panier de la bassine et le déposait près de l'évier. Ses derniers pains étaient cuits. Grand-maman Tremblay connaissait bien son poêle à bois. Elle plaçait ses derniers pains sur la tablette à l'autre bout de la cuisine avec les autres qui refroidissait.

Elle vidait les bocaux deux par deux dans l'évier pour les amener tout de suite sur la table pendant qu'ils étaient chauds. Elle les remplissait du ketchup en laissant 1/4 de pouce (6 mm) d'espace sous le goulot puis allait les replacer dans le panier.

Quand tous ses bocaux étaient remplis, elle les immergeaient dans l'eau bouillante pour 10 ou 15 minutes. Elle avait hâte d'ouvrir les fenêtres pour faire sortir la chaleur, mais il fallait d'abord laver son chaudron et ranger ses miches dans la boîte à pain, sinon les mouches allaient entrer en légions.

Quand ses bocaux étaient prêts, elle fermait immédiatement les évent du poêle à bois, retirait le panier de la bassine et le plaçait au fond de la cuisine, à l'abri des courants d'air.

Elle donnait la moitié des résidus aux poules, et l'autre moitié au cochon.

Puis, elle plaçait la bassine d'eau bouillante sur des chevalets sur la galerie arrière. Il était temps de laver les couches des bébés, à la main.

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