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Les vrais navets marinés libanais et l’ABC de la lacto-fermentation

Mise en contexte

Voici une recette pour enfin mieux répondre à Tarzile. Je suis bien curieux de savoir si elle va oser tenter le diable après ces explications de base sur la lacto-fermentation. Pour elle, qui est si talentueuse à transmettre, et à faire revivre des recettes d’antan, c’est probablement d’intérêt. De plus, comme elle, je raffole de la cuisine du Liban.

Tout d’abord, je vous recommande de lire ce billet de Tarzile, datant de 25 août 2006 (oui, j’ai un peu honte), question de mise-en contexte.

Un autre billet tout Tarzile, où l’humour, la douceur, la beauté et la simplicité sont dosés avec un équilibre tout naturel qui rehausse la qualité du contenu. Je sens que ce qui fait de Tarzile une femme si attachante, c’est aussi son intégrité dans ses propos, ses confidences et ses anecdotes. Elle sait nous faire vivre ses fantaisies, mais sans approcher l’artifice.

À ce billet, j’ai laissé un commentaire qui pourrait porter à confusion. Encore une fois, j’étais seul à me comprendre. J’ai dit pas assez de vinaigre, mais en fait, si on considère le procédé de lacto-fermentation, il y en a trop. Dans cette marinade, pas une goutte de vinaigre.

Nous aurons recours à la magie de la lacto-fermentation pour acidifier les légumes. Un procédé tout naturel, qu’on a probablement découvert du temps ou le salage et la saumure saturée était un mode de conservation très populaire. Avec le temps on a peaufiné le procédé et réduit la teneur en sel à juste ce qu’il faut.

Bin en fait, c’est quoi la lacto-fermentation ?

Son principal avantage est qu’elle enrichit l’aliment au lieu de l’appauvrir, comme le fait la stérilisation. Oui, oui c’est le fétichiste de l’autoclave qui admet ça ! :)

“La lacto-fermentation (ou lactofermentation, ou encore fermentation lactique) est comme son nom l'indique une fermentation qui fait intervenir des bactéries de type lactique. [...] Le milieu s'acidifie progressivement et empêche la prolifération des autres micro-organismes, notamment les micro-organismes pathogènes ou indésirables comme les moisissures.”

Voici un superbe document de référence, et d’excellentes ressources externes sur le sujet ; La lacto-fermentation sur Ekopedia. Chapeau aux contributeurs, car après avoir lu ça, ont est prêts à se lancer.

Matériel requis pour une première expérience

Vous aurez besoin :

  • d’un bocal de 4 litres,
  • d’une grille bricolée pour immerger les végétaux sous la saumure.
c’est tout !

Bien que Manon se soit bricolée le fermenteur idéal ici.

Pour le bocal, la prochaine fois que vous passerez dans un coin où il y a des restos, le jour de la collecte sélective, par hasard, n’attendez pas que les bocaux de 4 litres vides déposés sur le trottoir ne se mettent soudainement à vous suivre en miaulant. Servez-vous. :)

Pour la grille, j’ai pris une retaille de treillis de jardinage. Il est fait en plastique semi-rigide et ses mailles font environ 1 cm. On s’en sert pour la protection hivernale des petits arbres et arbustes. J’ai découpé un disque d’un diamètre légèrement inférieur à celui du bocal, et j’ai coupé un rayon du rebord au centre, pour pouvoir en former un genre de cône à géométrie variable, vous voyez ? Ainsi, il entrera bien par le goulot sous forme de cône, et il prendra de l’expansion une fois à l’intérieur pour caler les légumes en place.

Ont pourrait aussi découper le fond d’un contenant de margarine, par exemple. Il ne resterait qu’à lui donner la bonne taille. Contrairement au couvercle, le fond de ces contenants sont généralement dépourvus de ‘peinture’ et sont fait de polyéthylène de grade alimentaire. J'ai pas essayé mais ça m'inspire confiance. Au pif, je découperais 3 rayons vers le centre pour le rendre plus docile.

Une correspondante m’a dit qu’elle utilise simplement un disque de moustiquaire de matière plastique, et qu’elle le cale en place avec quelques billes. Bonne idée.

Y'a pas si longtemps, on fermentait dans des barils de bois, avec un couvercle de bois en forme de disque maintenu sous le niveau de saumure avec des pierres. On couvrais d'un linge pour empêcher les insectes de venir y contribuer de leur protéines.

Au pif, j’éviterais toute grille métallique, même l’inox.

Plus tard, j’ajouterai ici des informations expliquant comment ajouter un bonde aseptique au couvercle du bocal pour en faire un fermenteur plus pratique, pour moins de deux dollars. C’est un autre bricolage que vous pourrez faire vous-même plus tard, si vous aimez les produits de la lacto-fermentation. Manon m'a battu, elle s'est bricolée le fermenteur idéal ici avec photo.

Mais si vous êtes pressé (et plutôt aisé) voici la Cadillac des fermenteurs domestiques. Avec ses 50 litres de cylindrée, et sa technologie allemande, on ne manquera pas de choucroute cet hiver, non madame ! Buy now ! :)

Bon elle vient cette recette ?

Oui d'accord mais je vous préviens, cette recette n’est pas pour tous, on aime ou on déteste. Je vous recommande de goûter d’abord un bocal d’importation Libanaise en vous assurant qu’il ne contient pas de vinaigre, ni aucun autre agent de conservation. C’est la recette authentique, mais le produit à été pasteurisé pour le “stabiliser”, aussi pour en assurer une conservation prolongée à température ambiante, et rencontrer les critères de sécurité alimentaire de base avant importation. Les navets marinés que l’ont sert dans la plupart des restaurants Libanais du Québec contiennent du vinaigre, et n’ont pas fermentés du tout. Disons qu’on a “occidentalisé” le produit pour le rendre acceptable à une plus large clientèle.

Voici enfin la recette, toute simple, pour faire 7 bocaux de 500 ml. Il est préférable de fermenter le tout dans un seul bocal de 4 litres, et d’empoter ensuite en formats plus pratique. Mais on a beaucoup de latitude. On peut tout aussi bien tenter l'expérience dans un bocal d'un litre.

Les vrais navets marinés libanais pour Tarzile

Ingrédients :

Pour la saumure
  • 2 litres d’eau
  • 1/4 de tasse (60 g) (pas moins) de sel de mer, de sel à marinades, ou de sel kasher, si vous voulez, mais ne pas utiliser de sel de table additionné d’iode ou de quelqu’additif antiagglomérant, car des navets roses, c’est mieux rose, que brun.
Les légumes
  • 5 lbs (2,3 kg) de petits navets blancs frais cueillis
  • 1 lbs (455 g) de betteraves rouges, fraîche aussi
Pour autant que j’en sache, la liste des ingrédients pour la recette la plus authentique arrête ici. Mais vous pourriez y ajouter ;
  • les gousses fendues de deux têtes d’ail (moi oui)
  • des feuilles de céleri frais
  • du persil frais
  • quelques piments forts frais (moi oui, pour un produit très différent)
  • des épices entières
Pour ne pas faire mes erreurs
  • pas d’oignon, à moins de désirer un produit qui pue à la limite d’une violation de la convention de Genève
  • pas d’herbes séchées, c’est fragile et des bouts minuscules risquent fort de s’en détacher pour flotter en surface et c’est pas bon, lire plus bas.

Procédure :

L’eau

Si votre eau du robinet est de bonne qualité, elle ira très bien, après ce simple traitement.

La veille, versez environ 3 litres d’eau dans une casserole d’inox ou de verre et porter à ébullition pour 2 minutes. Retirer du feu et laissez à découvert pour environ 15 minutes. Couvrir et laisser décanter pour la nuit.

Le lendemain, il y aura peut être un dépôt de minéraux visible au fond. Il faut éviter de trop le perturber, on en veut pas. En manipulant le tout doucement, versez en le 3/4 dans un bol, et mesurez-en deux litres ensuite.

Si votre eau du robinet est douteuse au point de déjà devoir consommer de l’eau de source ou d’eau distillée en cruches, soit, elle ira telle qu’elle.

Dissoudre le sel dans l’eau à température ambiante.

Il est inutile de faire bouillir votre gros bocal de 4 litres pour le stériliser. Fraîchement lavé, ça ira très bien.

Brossez vos légumes sous un filet d’eau, puis, lavez-vous bien les mains.

Pelez vos légumes crus et taillez-les en quartiers. Si vous disposez d’un canon à frites, et aimerez cette apparence, ben pourquoi pas. Si vos “frites” sont du module McDonald (désolé), faites votre saumure avec seulement 40 g de sel, ce sera suffisant.

Si vous désirez utiliser des herbes, ne les hachez pas. Placez-les propres et entières, au fond du bocal. Les petits morceaux légers auraient tendance à remonter en surface avec les bulles de gaz carbonique. Rien ne doit flotter en surface de la saumure, au contact de l’air, ça va pourrir.

Alternez vos morceaux de navet et de betterave en les tassant au mieux, jusqu’à plus de 3 pouces (8 cm) sous le goulot. Si il en manque, rien de grave, mais il faut laisser cet espace au minimum.

Roulez votre grille pour former un cône et introduisez-le, la pointe vers le bas, dans le bocal.

Déployez votre grille sur les légumes et couvrez de saumure en laissant 1 1/2 pouce (4 cm) d’espace sous le goulot.

Vos légumes doivent être couverts d’un minimum d’un pouce et demi (4 cm) de saumure et vous devez laisser un pouce et demi (4 cm) en air sous le goulot.

Retirez tout éventuel corps flottant en surface de la saumure.

Refermez le bocal sans trop serrer, et placez-le dans un endroit obscur et relativement frais, puis, laissez aller Dame Nature.

En fait, c’est une guerre qui commence. Tous les micro-organismes présents dans le bocal vont se battre pour bouffer vos navets. Dans toute guerre, il y a les bons, et les méchants. C’est le sel dissout dans l’eau qui est l’arme secrète à l’avantage des bons. Comme quoi, en cas de conflit, il est important d'y ajouter son grain de sel.

La température de fermentation

Dans un monde idéal, la fermentation serait amorcée autour de 20 ° C pour 3 jours et abaissée ensuite à 18 ° C, pour environ 1 mois. Si vous ne pouvez pas contrôler la température ainsi, c’est OK. Plusieurs personnes font fermenter leurs légumes à des températures allant jusqu’à 25 C sans aucun problème. Plus la température sera élevée, plus la fermentation sera rapide, mais plus grand sera le risque de contamination et de fuite des bocaux. Le produit sera moins croustillant si il est fermenté à plus haute température que 18 ° C .

Semaine 1

Une petite routine quotidienne. On en profitera pour admirer le procédé.

Croyez-le ou non, ça va sentir le navet qui fermente.

Durant la première semaine, il faudra désserer le couvercle du bocal de 4 litres à tous les jours pour laisser s’échapper le gaz carbonique produit par la fermentation. Des bulles de gaz remonteront à la surface et je vous invite à donner quelques chiquenaudes sur le bocal pour en faire remonter plus, une fois le couvercle désserré.

Il est probable qu’une écume visqueuse se forme en surface. Vue au microscope, cette écume visqueuse est un charnier de micro-organismes nuisibles dont nos vaillantes et courageuses levures ont botté le derrière.

Nettoyez le champ de bataille à l’aide d’une cuiller propre. Contrairement à l'écume des confitures, il n'est pas recommandé de gouter celle-là, au pif. Retirer aussi tout éventuel petit bout de végétaux flottant en surface. Au contact de l’air, ça va pourrir.

Semaine 2 à 3 ou 4

La saumure va se brouiller, c’est normal. C’est les dépouilles de nos microscopiques mais braves soldats inconnus tombés au champ d’honneur. Hé oui, selon mes observations, et contrairement à certaines doctrines religieuses, une fois morts, les méchants montent et les bons descendent.

La fermentation va graduellement ralentir, produisant moins de gaz carbonique. Il ne sera plus nécessaire d’ouvrir le bocal à tous les jours, simplement de vérifier l’écume et les éventuels corps flottants.

La fermentation principale sera terminée quand il n’y aura presque plus de bulles qui remonteront en surface quand vous donnerez des chiquenaudes sur le bocal.

Bon maintenant qu’est-ce qu’on fait ?

Vu que c’est une expérience, je suggère de faire 3 choses différentes avec les 7 pots de 500 ml qu’on va produire. Ça nous permettra de vérifier lequel des trois produits on préfère, et aussi de s'adapter selon nos conditions d’entreposage.
  • Des pots devront être gardés au frigo ou dans tout endroit entre 1 ° C et 10 ° C,
  • d’autres seront gardés à température ambiante,
  • et certains seront pasteurisés.
La conservation idéale

Espérance de durée de conservation, plus d’un an.

Le produit gardé entre 0 ° C et 10 ° C cessera presque totalement d’évoluer mais restera “vivant”. Si vous avez un grand espace qui rencontre ces critères, vous avez les conditions idéales pour le meilleur produit possible, sinon ben, il reste le frigo si vous pouvez y consacrer un coin.

Avec un produit de cette qualité nutritive, cessez de vous laisser tenter par ces yaourts pro biotiques, pré biotique et alouette, suremballés en demi-portions de plastouic, vendus pour la peau des fesses. Vos navets marinés auront le même effet bénéfique sur votre santé que ces petits pots de yaourt. Vos légumes lacto-fermentés vont améliorer votre digestion, et renforcer votre flore intestinale pour une meilleure immunité aux maladies. De plus, ils sont bourrés de vitamines. De fait, ils en contiendront plus que les légumes frais.

Le produit conservé à température ambiante

Espérance de durée de conservation, plus de 6 mois

Le produit restera vivant mais va “évoluer” avec le temps. Pour sur, il deviendra plus acide, moins croustillant, et la saveur va changer. À mon avis, il va hélas perdre de son arôme. Toutefois, Il conservera quasiment les mêmes qualités nutritives que celui gardé sous 10 ° C. Il peut être gardé à température ambiante sans danger. Certaines personnes gardent même des pot entamés à température ambiante et pigent dedans quand ils en ont envie. Personnellement, j’aurais tendance à réfrigérer un bocal entamé.

Les pots pasteurisés

Espérance de durée de conservation, bien plus d’un an.

Avant que nos amis crudivoristes (les enthousiastes de l’alimentation végétarienne, crue et vivante) ne dénoncent ce sacrilège, je décris d’abord les désavantages du produit pasteurisé :

  • il perdra entre 20 et 30 % de ses vitamines pour en arriver presque à celle d’un navet frais,
  • il perdra probablement 99 % des propriétés magiques du petit pot de yaourt en plastique qui fait danser le baladi aux belles dames à la télé.
Voilà vous êtes prévenu, après la pasteurisation, nos héros survivants de la bataille de la fermentation auront été victime d’une sournoise attaque avec une arme de destruction massive ; la chaleur. Pour les crudivoristes, ils seront devenus martyrs.

Les seuls avantages de la pasteurisation sont qu’elle va stabiliser la saveur et l’acidité du produit et en assurer la conservation pour plus d’un an à température ambiante. Elle va aussi en assurer la croustidude, les enzymes causant la rammolitude des légumes ayant été aussi détruites.

L’empotage

Tant qu’à caresser le sujet, voici une suggestion purement esthétique mais seulement pour obtenir une saumure plus limpide, rien d’autre. ;)

Placer une grande passoire nappée de trois couches d’étamine au dessus d’un grand bol.

Versez-y tout le contenu du bocal et laissez égoutter quelque minutes.

Pendant que vous emplirez vos petits bocaux stériles des légumes, vous filtrerez la saumure à travers un cornet à café en petites quantités. Ce ne sera pas parfait, mais la saumure sera beaucoup plus limpide ainsi.

Laissez 1 pouce (2,5 cm) d’espace aux dessus des légumes, puis verser la saumure pour remplir à 1/2 pouce (1 cm) du goulot.

Si vous manquez de saumure, faites-en de la fraîche avec 30 g (2 c. à s.) de sel par litre d’eau.

Ajustez les couvercles en serrant du bout des doigts.

Alors voilà, il reste à décider combien de bocaux seront gardés au frais, combien seront gardés à température ambiante et combien subiront le sacrilège de la...

Pasteurisation :

Vous aurez besoin d'un thermomètre pour vérifier précisément la température de l'eau, c'est crucial. Placer vos pots dans votre marmite de mise en conserves et les couvrir d'eau chaude à plus de 2 pouces (5 cm) au dessus des goulots. Plus il y aura d’eau, plus il sera facile d’en contrôler la température. Chauffer à feu moyen en remuant de temps à autres jusqu'à ce que l'eau atteigne la température de 85 ° C (185 ° F), fermer le feu. La température doit être maintenue entre 82 ° C et 85 ° C (180 ° F à 185 ° F) pour 30 bonnes minutes, ajustez le feu en conséquence. Ceci doit être fait avec toute votre attention pour un minimum de dégradation des vitamines.

Voilà !, il ne reste qu’a laisser refroidir les bocaux, comme pour des conserves normales.

Vous aurez le plaisir de pouvoir comparer les 3 produits côte à côte, dans le temps pour vous faire une idée.

Entre-nous, si vous avez une cave à 10 ° C ou moins (ou autour), pleine de tablettes vides, ou si vous êtes collectionneur de frigos, il vaut mieux ne pas se compliquer la vie. Vous disposez des meilleures conditions d'entreposage pour le produit alimentaire des plus sains qu'il soient. Ne faites des compromis que par curiosité.

Bon baladi !

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